Laurent Wauquiez se revendique de la droite sociale. Bien. C'est donc que lui et moi n'avons pas la même définition du mot « social ». Ou que c'est un sacré plaisantin et qu'il m'a bien eue sur le coup des malades irresponsables !
« On comprend bien que si jamais, quand vous tombez malade, ça n'a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ben le résultat quand même c'est que c'est pas très responsabilisant » [Laurent Wauquiez sur RMC, le 16/11/2011]
Que veut dire Laurent Wauquiez ?
Je ne vois que trois hypothèses :
- Travailler dans un entrepôt glacial et tomber malade, c'est irresponsable.
- Glisser sur une plaque de verglas et se casser la jambe, c'est irresponsable.
- Se faire payer un arrêt-maladie pour aller faire les soldes tranquillement, c'est irresponsable.
S'il s'agit uniquement de la troisième réponse, je suis d'accord avec Laurent Wauquiez, mais alors pourquoi faire payer les autres assurés ? S'il s'agit d'une des deux autres hypothèses, je suis perplexe. Je ne crois pas que les malades et blessés choisissent de l'être, comment les accuser d'irresponsabilité ?
Le contexte tel qu'on le parle
C'est vrai qu'il existe des fraudes à la Sécurité Sociale, des gens qui usurpent des droits à l'aide de faux papiers, d'autres qui utilisent des ambulances quand ils pourraient prendre le bus, etc. Je veux bien admettre qu'on doit trouver effectivement des arrêts-maladie abusifs en cherchant bien, mais je refuse de croire qu'ils sont suffisamment nombreux pour justifier cette nouvelle journée de carence.
Bien sûr, renforcer les contrôles coûte plus cher que la sanction de tous les assurés qui, elle, permet une économie immédiate. Cela reste cependant un mauvais calcul. Si les gens ne s'arrêtent plus lorsqu'ils sont un peu malades, leur santé risque de se dégrader plus vite qu'elle n'aurait dû. Pour économiser une journée d'arrêt-maladie, on joue avec la vie des Français mais aussi avec les coûts futurs.
La CMU a beau afficher un joli visage d'amour universel, son but premier est d'éviter les pandémies. Refuser des soins à un immigré tuberculeux, c'est prendre le risque de devoir payer les soins aux trente, cent, mille personnes qu'il contaminera.
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On ne protège pas la Sécu n'importe comment
C'est vrai, si on veut pérenniser notre système social, il faut le protéger des abus et des gaspillages, mais ce n'est pas en faisant des assurés, des ennemis, qu'on y parviendra.
L'assuré doit être un partenaire de l'assurance sociale. Wauquiez veut le responsabiliser ? J'applaudis ! À condition que ce soit fait intelligemment. Le tiers payant a donné l'illusion à beaucoup de gens que les soins étaient gratuits, or les médicaments, les examens et les soins coûtent parfois extrêmement cher.
Il faudrait que chacun sache combien il coûte au système. La Sécurité Sociale pourrait, par exemple, lui envoyer un relevé annuel de sa "consommation" avec, éventuellement, à côté, le montant des cotisations perçues. Cela permettrait de préserver ses électeurs, je sais qu'Yves Bur y tient beaucoup.
On pourrait aussi augmenter la surveillance des problèmes environnementaux, locaux, sociaux et professionnels afin de permettre à la prévention de réduire les dépenses de santé. Bien sûr, c'est plus compliqué à mettre en place que l'ajout d'une journée de carence, mais Laurent Wauquiez est un homme intelligent, il devrait y arriver.
[Copyright : Delphine Dumont - Tous droits réservés]
Illustration basée sur une photo de The National Guard sur Flickr